A qui profite le droit d’auteur ?

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L’avènement du partage en ligne par les connexions haut débit a conduit au contournement des droits d’auteur associés aux fichiers ainsi téléchargés, notamment musicaux. Les procès à l’encontre des « pirates » du net se multiplient. Mais ces procès visent-ils à protéger la création artistique, ou à préserver les intérêts économiques de structures rendues obsolètes ?

Depuis que les internautes partagent leurs fichiers musicaux sur le réseau, les dirigeants des principales maisons de disques prédisent la mort de la musique. En effet, le début du millénaire a vu une baisse des ventes de CDs, et l’on pouvait penser que cette baisse allait s’accentuer. Cependant, cela peut-il être imputé en totalité au téléchargement de musique en ligne par les réseaux dits « peer-to-peer » ? Le fait que les ventes de disques stagnent depuis 2002 montre que ce mode de consommation musicale ne s’est pas substitué à l’achat de CDs, mais est venu s’ajouter comme un autre mode de consommation de la musique.

Les « majors » de la distribution musicale ont en fait été prises de court par le développement fulgurant de l’Internet, et commencent à peine à rattraper leur retard en investissant dans des sites de téléchargement payant.

Le peer-to-peer, bourreau économique…

Le peer-to-peer est montré comme le fossoyeur de toute une frange de l’économie. Or, un récent rapport de l’OCDE 1Perspectives des technologies de l’information de l’OCDE 2004 montre que les systèmes de partage en ligne sont à l’origine d’un développement considérable de l’économie numérique. En effet, toute personne voulant profiter de l’échange peer-to-peer se voit rapidement contrainte à l’investissement dans une ligne dite « à haut-débit », participant de fait à l’expansion de tout un secteur, puisqu’une fois installé, les lignes « haut-débit » permet l’accès au commerce en ligne, et à toute une galerie de services connexes. Il est d’ailleurs à noter qu’Universal, principal acteur de la répression du téléchargement de musique sur internet, profite déjà de cet essor en nouant des partenariats divers avec les acteurs du haut-débit.

Quand le phénomène de téléchargement en ligne a commencé avec Napster, premier logiciel de peer-to-peer popularisé, une taxe applicable sur le prix des Cds réservés à la gravure avait été décidée entre les pouvoirs public et les acteurs économiques du secteur artistique, comme c’était déjà le cas avec les cassettes audio. Cependant, le développement imprévu de l’internet a rendu ce mode de rétribution insuffisant.

Une nouvelle conception de la propriété intellectuelle

Une alternative aux problèmes des droits d’auteur est explorée depuis plusieurs années dans le monde des logiciels informatiques. Le développement du système d’exploitation GNU-Linux, développé à l’origine par Linus Torvald, a donné le coup d’envoi aux licences dite GPL, ou open-source. Les programmes développé sous cette licence peuvent être utilisés gratuitement, mais également modifiés, et donc améliorés, par tout autre développeur, cela sous réserve de citer tous les programmeurs ayant déjà participé au projet. Ce type de logiciels s’est depuis largement étendu,  jusqu’à devenir une alternative crédible aux systèmes informatiques commerciaux, qu’ils ont déjà remplacé,  notamment dans certaines administrations. Cela permet aux particuliers d’avoir accès à des logiciels performants, à des coûts dérisoires. Les développeurs de ce type de logiciels proposent ensuite des services de maintenance permettant leur rémunération. Cependant, les licences GPL sont actuellement attaquées aux Etats-Unis, comme détournant le principe de la propriété intellectuelle.

Ces attaques contre le développement bénévole de logiciels, de même que celle contre l’échange de musique en ligne, cachent une crainte plus mercantile qu’ « humaniste ». En effet, naissent en ce moment sur internet nombre de sites proposant le téléchargement consenti par l’auteur de morceaux de musique. Or, l’essor de ce type d’échanges ne tuera pas la création artistique, mais pourrait certainement remettre en cause les intérêts financiers d’intermédiaires qui ne sont plus strictement nécessaire à l’artiste. Si l’on considère que le coût de la musique en ligne est quasi-nul, l’artiste, seul à devoir encore être rémunéré, pourrait finir par se suffire à lui-même, ce qui signerait la fin d’un système lourd et peu réactif.